17 Oct
Intérimaire à usage unique
L’intérim, d’après l’INSEE «consiste à mettre à disposition provisoire d ‘entreprises clientes, des salariés qui, en fonction d’une rémunération convenue, sont embauchés et rémunérés à cet effet par l’entreprise de travail intérimaire (ou entreprise de travail temporaire).
Elle se caractérise donc par une relation triangulaire entre l’entreprise de travail temporaire, l’entreprise cliente et le salarié, et implique la conclusion de deux contrats : un contrat de mise à disposition (entre l’entreprise de travail temporaire et l’entreprise cliente) et un contrat de mission (entre l’entreprise de travail temporaire et le salarié) ». En résumé et sans préjugés : l’intérim est un moyen pour une personne de trouver un travail sous forme de mission de plus ou moins longue durée, et c’est un moyen pour une entreprise de répondre à des besoins humains sur une période définie.
L’homme (dans notre culture) a « besoin » de travailler, pour diverses raisons, mais ce n’est pas le sujet…. Par contre, pourquoi une entreprise aurait-elle besoin de personnes supplémentaires pour une durée limitée ?
Plusieurs cas de figure, nous nous limiterons à ces deux-là :
- Absentéisme / Arrêt maladie / AT…
- Fluctuation de la charge de travail (carnet de commandes, saisonnalité…).
L’entreprise peut donc faire appel à ces sociétés de travail temporaire pour leur fournir des personnels formés et adaptés à leurs besoins dans des délais très restreints. Tout ceci est très pratique, très bien rodé, mais en quoi nous ergonome, cela peut-il attirer notre attention ?
Personne ne répond ? Vraiment aucune idée ? Je vous aide : Les conditions de travail.
Sur une mission courte avec une tâche nécessitant peu d’autonomie, nous savons que les formations en amont de la mise en place de l’intérimaire à son poste, peuvent être très succinctes, voire inexistantes (sécurité et production : oui ; ergonomie et condition de travail : non).
Pourquoi ?
Et bien, car les méfaits dus à une mauvaise gestion de l’ergonomie sont identifiés (à tort) comme essentiellement liés à une activité sur le long terme. L’entreprise aurait tendance à se représenter son intérimaire comme une personne existante de l’instant t1 (son entrée dans l’entreprise) à l’instant t2 (sa sortie de l’entreprise) et donc de s’imaginer qu’il n’y a que peu de chance que sur cette période, il déclare une maladie professionnelle (surtout au regard de la population jeune : 48% ont moins de 30 ans).
En tant qu’ergonome il nous est déjà venu aux oreilles des expressions comme « on casse des intérimaires » ; « on tourne sur les intérimaires dès qu’ils fatiguent ». Alors certes, l’entreprise a besoin de main d’œuvre pour répondre à un besoin client, mais en aucun cas ça ne devrait être un moyen de confier des travaux pénibles qu’elle ne confierait pas à ses propres salariés et elle ne devrait pas compter sur un important turn-over d’intérimaire pour ne pas subir les conséquences humaines de son manque d’ergonomie.
Comment s’y prendre ?
Nous avons rencontré au Salon Préventica de Rennes en ce début de mois d’octobre une agence de Travail Temporaire plutôt sensible aux problématiques de sécurité et condition de travail. Une partie de leur méthodologie pour prévenir les risques est d’avoir une relation étroite avec l’entreprise cliente afin d’obtenir le plus d’informations possible sur les postes à pourvoir et ceci dans l’objectif d’identifier les éventuels risques que pourront rencontrer leurs travailleurs intérimaires. Lorsque l’entreprise en fait la demande, où que des risques ont été identifiés, ils viennent sur place afin de sensibiliser de nouveau le salarié aux risques environnants (démarche qui ne s’applique pas avec tous les clients, car elle est chronophage).
Quid de l’ergonome ?
Pour aller plus loin dans cette démarche de prévention, nous pensons que l’implication d’un professionnel de l’activité de travail, tel qu’un ergonome, permettrait d’avoir une meilleure identification du travail prescrit et du travail réel, ceci dans l’objectif de mieux présenter l’activité et ses risques aux futurs intérimaires, mais aussi d’adapter les supports de formation sécurité /santé au travail de de l’entreprise et/ou de l’agence de travail temporaire, pour coller au plus près avec la réalité terrain.
Le tableau n’est pas tout noir, de plus en plus d’entreprise cliente ou d’agence se sensibilisent à cette démarche de prévention. Nous confirmons que le fait de se restreindre à un schéma de « turn-over pour poste pénible » n’est pas une solution en soi. À court terme c’est la certitude d’augmenter les risques d’AT. A moyen et long terme, c’est diminuer l’attractivité de l’entreprise, engranger une perte financière considérable, et surtout la meilleure façon d’attester d’un désengagement éthique et déontologique de ce que l’on produit
En conclusion, nous invitons l’ensemble des entreprises à réfléchir sur les gains potentiels d’une démarche collaborative de prévention des risques dans cette relation tripartite.
En effet, c’est pour l’entreprise, l’assurance d’avoir un travailleur à un instant T qui réalisera un travail efficient et en toute sécurité. Pour l’agence de travail temporaire, c’est la promesse de mise à disposition d’un travailleur qui connait déjà les risques de son futur poste, qui a été sensibilisé à de nombreuses reprises sur l’ergonomie, l’aménagement de poste… en bref, l’assurance que ce travailleur temporaire continuera à vouloir travailler avec l’agence déjà connue.
Et enfin, le plus important, un travailleur qui malgré la potentielle précarité de son statut, a une meilleure qualité de vie au travail.